"La-bas s'y j'y suis." Daniel Mermet "Quand il dit
bleu, je vois rouge. Toute parole s’expose aux rires des dieux et à la liberté des hommes. Toute parole n’est qu’échange, commerce et grain à moudre. Mais toute parole est existence. Fais que ce grain soit le meilleur possible. Le plus plein, le plus odorant, le plus doré. Si tu es celui qui dit bleu, que ce bleu soit la poignante légèreté du ciel et le bleu ombrageux des flots, que ce bleu soit le bleu des rails et de l’encre, et de l’Orient et des volets et des lessives, et le bleu des yeux de ta mère, alors je verrai rouge, mais ce rouge, mon rouge, sera pivoine, désir, foulard, carmin, prénom, serment, fanal, que sais-je ? Le vert de ma sœur sera tout aussi imprévu pour elle. De son violet, mon voisin fera une douce consolation ; de son noir, mon chien fera un nouveau départ dans la vie. Et ainsi de suite. Plus profond sera ton bleu, plus fervent et plus vrai, plus tu éveilleras, plus tu révéleras en chacun sa couleur unique et qui jusque-là manquait à l’histoire des hommes. Ainsi le monde semblera meilleur et peut-être même le sera-t-il vraiment. Alors, soigne ton bleu, mon frère, creuse ton bleu, danse ton bleu, affûte ton bleu et parle-moi. La prochaine fois, je te dirai rouge. " |